Où suis-je ?
Récit au fil des pas
Dimanche 3 juillet 2022 .
Les départ d’Alos d’Isil n'est pas facile, il y a un certain nombre de chemins qui montent à travers cette pente ouverte anciennement utilisée pour le bétail. Il reste des vestiges de murets en pierres et de chemins de muletiers. Cela doit être maintenant le grand terrain jeu de tous les enfants que j'ai pu voir hier soir. Vraiment ici, ils doivent faire des parties de jeu grandeur nature et des jolies parties de cache-cache .
Le topo ne dit pas de suivre le balisage jaune qui parsème de temps en temps le chemin, mais ma trace sur openstreet Map a l’air de la suivre alors je suit ce petit chemin.
C'est fascinant de suivre, jour après jour, un chemin presque continu à travers ces montagnes. Je salue le travail de Vernon le fondateur de ce trek et de tous les autres qui l’ont ensuite remis à jour et enrichi.
Doucement mais sûrement je passe de 1400m à 2400m d’altitude au col du clôt de Moredo, le nom du torrent de cette vallée. Ouf. Je suis soulagée lorsque j’y suis. Il n'est que 11h et le refuge le plus proche n’est plus qu’à 30minutes environ. Celui-ci n’est pas sur mon chemin si je vais vers Salardu pour me ravitailler. Alors je décide de prendre directement le chemin vers Salardu pour peut être même y arriver ce soir. Oh misère ! si j’avais su !
Je regarde aux alentours depuis le point de vue privilégié du col. Le lac bleu d’Airoto en contrebas qui me nargue un peu car je viens de finir mon eau, la vallée à gauche où doit se cacher le refuge du même nom, et le flanc de montagne encombrée de blocs de granite à droite. Je ne vois pas de chemin dans cette direction mais après vérification sur mes différentes cartes et le topo guide de Vernon, je dois me rendre à l’évidence, il est clair que je dois traverser le chaos de roches à droite pour rejoindre l’autre chaîne de montagnes. Sans passer par le lac, donc l’eau et le déjeuner attendrons. D’après le topo, la traversée prend 1h. Il met en garde contre les blocs traîtres qui basculent, et c’est avec ces avertissements que je m’engage. Je prend Artic sous le bras, car autant que je peux ça lui épargne fatigue et abrasion de ses coussinets. Un pas après l’autre, je m’enfonce dans cette galère. Je passe un premier coin et ma vue se dégage me permettant de voir l’étendue de ce qu’il me reste à traverser. De temps à autre je pose Artic pour passer des marches un peu difficile. Tout n'est qu’angularité, je me prend à rêver d’une surface plane à la place des arrêtes et des pans obliques et pentus des pierres éboulées là depuis berlurette. Pas après pas, je dois continuer de faire attention. Un moment d’inattention et c’est une pierre qui bascule et je me rattrape avant de me cogner trop fort le tibia. Le film 127 heures trotte dans la tête. Et je me dis que je n’ai pas d’eau et que je n’ai pas envie de tenter l’expérience. Au bout d’une heure je peste contre moi, Vernon, et la montagne.
J’ai déposé Artic et il se débrouille plutôt bien, il me suit et crapahute aussi bien qu’un isard, contrairement à moi qui, même si à présent, je vais plus vite sans lui, déploie toute mon énergie pour me faufiler là dedans, les mains pour m’assurer, les genoux qui craquent lorsque je m’accroupis, le haut du corps qui se ploie pour escalader ou s’appuyer des deux mains avant de descendre un énième bloc. Finalement j’atteins le repas, à la fin de cette étendue et trouve un laquet, celui que je visais pour avoir de l’eau et manger. Je fais une sieste avec Artic en prime. C’est une marmotte qui fait le réveil 15minutes plus tard. Il est 14h30, je suis en train de digérer mes 400g de semoule, et je me dirige vers un nouveau col, qu’il faut rejoindre toujours sans chemin. Selon le guide il faut monter en écharpe… Je grimpe, plus ou moins tout droit dans le pentu, tantôt sur des pierres, tantôt sur de l’herbe. Herbe qu'Artic n'apprécie pas, à raison. Elle est douloureusement piquante. Alors il saute de pierre en pierre comme un enfant sur une marelle mais en plus agile.
Je suis de nouveau extrêmement soulagée lorsque j’atteins le col d’Airoto à 2520m.
Il ne me reste plus que la crête. Que Vernon avait donnée comme facile. Je suis dépitée de voir encore des pierrés partout.
Alors que je suis la crête je ne cesse de me demander « mais d’où viennent toutes ces pierres sur ces crêtes ? » elles sont déposées là comme dans un éboulis, pas comme le fruit d’une montagne passée érodée pourtant il n’y a plus de trace de montagne au dessus pour provoquer un tas de pierres semblables. Mystère pour moi.
Un pic puis un deuxième, puis au troisième je pense que c’est fini et je regarde ma carte de nouveau et je vois qu’en réalité il faut encore que je grimpe sur le plus haut. Il se tient en face de moi, escarpé, hostile. Par de chemin en vue, que des pentes raides et vertigineuses.
Je peste contre Vernon en pensée en lui disant que je ne suis pas un isard ! Bref je me scande, un pas après l’autre, ne pas regarder en bas, un pas après l’autre, je ne dois pas trébucher, ni glisser sur cette terre meuble et sablonneuse. Je chasse des cauchemars éveillé où je vois Artic dégringoler en bas à cause d’une pierre que je fais bouger au mauvais moment. Lui va bien il se débrouille comme un chef si ce n’est qu’il est fatigué. Je ne cesse de le féliciter et de lui dire que c’est bientôt fini, sans doute pour me donner du courage à moi aussi. Je remarque que ma sueur n’a pas la même odeur que d’habitude, le stress sans doute. Tout est mental en réalité.
J’arrive au sommet en même temps qu’un autre homme de l’autre côté. La coincidence me fait rire et évacuer la pression. Il fait la HRP aussi avec son fils. Ils en sont à 26jours. Je leur souhaite bon courage car il est 16h30 et ils veulent rejoindre le refuge d’Airoto.
Vernon annonçait une pente raide, il n’a pas menti. Mais au moins je vois la ligne d’arrivée, les deux lacs en bas sur la plaine. Un pas après l’autre, je ne vais toujours pas à plus d’un kilomètres a l’heure. Il n'y a toujours pas de chemin, seulement des touffes d’herbes piquantes m’obligeant à porter Artic assez longtemps, des étroits replats en terre et quelques cailloux.
Quand je suis enfin en bas au bout d’une heure, je n’ai qu’une idée en tête, planter la tente et me reposer.
Je trouve avec soulagement un emplacement assez plat et non marécageux aux abords du lac. Il y a même du réseau. Sans doute grâce à l’antenne sur la montagne en face et à cause de la station de ski en conte bas.
Je ne peux plus distinguer le mur en herbe d’où je viens de descendre parmi la chaîne de montagne derrière moi. Peu importe, j’avance, demain la ville de Salardu. Ouf ! Heureusement car je n’ai strictement juste ce qu’il me faut jusqu’à demain midi. Je viens même de finir mon huile d’olive.
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