Sur les explorateurs modernes - l'anneau noir

Publié le 12 août 2022 à 15:47

« Slowly… slowly… » murmure-t-il dans une incantation concentrée. Toute la force de sa détermination était soutenue par deux décennies de travaux acharné. L’accélérateur de particules vrombissait de plus en plus lentement à mesure que les particules prenaient de la vitesse.

Avant ses recherches à lui, on savait qu’à partir d’une certaine vitesse les vibrations devenaient continues, ou tellement rapprochées qu’on ne pouvait plus distinguer les tours. Les particules parcouraient les 100km de la boucle de l’accélérateur en un milliardième de secondes si vite que l’idée même que les particules soient encore individuelles devenait inconcevable. Certaines théories dont la sienne, disait que les particules s’étiraient et formaient un anneau en rotation dont la matière fluide infiniment fine s’écoulait furieusement. Les programmes de recherche ne s’intéressaient qu’à la prise de vitesse, l’énergie et ses conséquences, la fission des atomes et les chercheurs n’avaient pas les moyens ni le temps de s’intéresser ni à l’état ni à l’après.

Mais, lui chercheur à ses heures perdues, professeur de physique et de mathématiques à un lycée du New Jersey le reste du temps, avait mis au point une nouvelle théorie et de nouvelles équations qui parlait de ce qui pourrait se passer après. De la continuité de cet état d’omniprésence, on pourrait se substituer un ralentissement. Toujours en apportant de l’énergie nouvelle, les particules sembleraient ralentir à l’image d’une roue qui tourne si rapidement qu’elle nous renvoie une image de rotation antihoraire. Ce ralentissement, sous condition d’une quantité phénoménale d’énergie, finirait par immobiliser les particules. Elles auraient alors disparues. L’intérieur de l’accélérateur serait vide, pas comme le vide spatial, un vide de trou noir, un anneau tres spécial dans la trame de l’espace-temps.

Pendant que son cerveau retraçait machinalement sa théorie, la vibration devenait de moins en moins fréquente, une fois par seconde, puis dix secondes, bientôt il fallait attendre trente secondes entre chaque vrombissement.
Il frissonna, un voile de sueur avait couvert sa peau tandis qu’il observait le détecteur de vibration, semblant le transpercer de son esprit. Ses cheveux tirés symétriquement en deux masses de chaque coté de sa tête étaient plaqués par la gomina, sans doute se serait ils dressés sinon. Son nez long et parcouru d’une cicatrice ancienne se fronça dans une mimique inconsciente. Quand le silence régna et que le détecteur de vibration dessina un calme plat pendant plus de deux minutes, il s’essuya le front, vérifia quelques détails sur son ordinateur il regarda autour. Il croisa le regard d’Alice, qui, livide, le fixait, comme elle-même immobilisée. Il se mit à craindre que ce fut le cas par une quelconque ironie du sort, elle, sa seule collègue qui croyait en lui et ses théories, figée à jamais. Puis elle, bougea : un mouvement imperceptible de sa cage thoracique.

Il murmura, toujours en la regardant, elle et ses cheveux courts et blonds, en brosse coquette, ses yeux bleus foncés avec deux taches plus claires, le reste presque noir, rappelant le ciel de la nuit lorsqu’on observe les étoiles.

« Je n’y crois pas ça a fonctionné, on a stabilisé à l’immobilité totale »

« Tes calculs étaient bon » acquiesça-t-elle.

Puis il reprit : « que crois-tu qu’il se passe dans le tunnel » en parlant des 100km qui courrait sous les montagnes de l’Himalaya en un cercle parfait.

Avec un pas raide et légèrement vacillant, elle atteint les consoles et s’y appuya. Elle passa deux minutes à scruter les écrans et à faire des calculs rapides.

« Il me semble que le processus à véritablement fonctionné, c’est le calme absolu. Le tunnel semble résister, bizarrement il ne semble plus y avoir aucune contrainte, c’est presque comme si nous n’avions rien fait, et que l’accélérateur n’avait jamais fonctionné. Sauf que le capteur de pression informe d’un vide complet dans la structure, et que la température chute. Un degré par seconde environ. A ce rythme-là, le calme actuel ne va pas durer. L’accélérateur n’est pas fait pour résister au froid encore moins au zéro absolu de l’espace. Il a l’air de supporter le vide, mais lorsque les températures vont avoisiner les -50 degrés, on va commencer à avoir des problèmes de contraintes mécaniques. »

« Les matériaux vont se fissurer… si on endommage l’accélérateur on risque d’avoir de gris ennuis peu importe la découverte que l’on vient de faire. »

« Et c’est peu dire. Les fissures amplifiées par le vide risquent de le faire imploser et déstabiliser la montagne entière. »

« On sait que c’est possible, maintenant ». Il parut réfléchir un instant.

« Et je ne sais pas si c’est possible mais … »

Puis, soudainement, il prit conscience de l’étendue de la découverte. Vu les résultats, et selon les hypothèse et prédictions qu’il avait faites…

« On vient de créer un trou noir »

« Circulaire » ajoute-t-elle

« Ou plutôt annulaire. L’horizon des évènements prend cette forme d’après les premières observations de tres loin… mais ce ne sont presque encore que de vue de l’esprit tant les images sont traitées pour devenir lisible »

« Nous nous avons devant les yeux un phénomène dont les symptômes correspondent en tout point à ce qu’on pourrait imaginer d’un trou noir »

« C’est bien plus qu’une avancée ! Nom d’un chien ! bien plus !»

Un craquement inquiétant suivi d’autre plus lointain les tira de leu fascination.

« La température a déjà baissé à 300 degrés et ça s’accélère »

Sa collègue le regarda d’un air pressant.

Lui pensait à ces notes, si bien tenues, a son journal de bord audio, et au vide, au trou noir, ou plutôt à l’anneau noir. Il se dit meme qu’un peu plus et on tomberait dans l’univers Star Wars.

« Que peut il y avoir dans l’anneau ? si celui-ci est vraiment un trou noir, peut-on le traverser comme Einstein l’avait prédit avec ses trous de vers ? »

Puis en s’adressant à sa collègue :

« Quand pourrons nous retenter l’expérience ? »

« Sans doute jamais ou pas avant tres longtemps. Je te rappelle que nous avons falsifier nos intentions pour avoir l’autorisation de démarrer... »

« Envoi une particule sans énergie »

« Tu es sur ? ». La sueur dégoulinait également sur son visage pale. Des gens allaient sans doute bientôt arriver, nous demander ce qu’on fabriquait, mais la température chutait, il ne nous restait très peu de temps.

« Fais-le »

La particule lâchée disparut aussitôt sans laisser de traces perceptible par les instruments.

Elle commanda le relâchement d’une brique, et elle disparut également. Cette fois, une vibration presque imperceptible passa dans le capteur.

« Je vais entrer dans un des sas, et tu vas l’ouvrir. »

« Quoi ? mais c’est suicidaire »

Un silence lui répondit. Il rassemblait quelques affaires dans un sac, téléphone, nourriture, eau, télescope portatif, son harmonica, son chapeau, sa veste.

« Je n’ai rien à perdre, je n’ai pas d’attache et je n’ai qu’une seule tentative peut-être. Si je ne le fait pas je le regretterai toute ma vie. Au pire je meurs, au mieux… qui sait ? » un silence étrange rempli la pièce de contrôle maintenant rempli de craquements et bip stridents.

« J’embrasse cet inconnu de tout mon cœur »

Dans un souffle, elle répondit « je t’accompagne »

Ils se jetèrent un regard.

Elle contrôle la température, elle vit qu’elle était maintenant d’un peu plus de cent degrés et calcula que la fenêtre la moins risquée était dans environ 2 minutes. La température serait idéale pendant 1 minutes avant de devenir glaciale.  Elle programme en vitesse l’ouverture d’un sas à proximité dans 2 minutes et programme la dépressurisation de l’ensemble de l’accélérateur de particules juste après.

Elle termina de rassembler le principal de ses affaires. Il y avait si peu de choses auxquelles elle tenait vraiment dans ce monde finalement. La découverte de l’univers était ce qui comptait le plus pour elle. Qu’allait-il se passer ? allaient-ils être désintégrer ? Télétransportés ? Où ?

Une fois dans le cube de béton nu, face à la trappe de 2m de haut, avec des casques équipés de respirateurs enfilés à la va vite, ils se prirent la main. Ils se tenaient côte à côte, chacun son sac, l’un sur une épaule, l’autre sur les deux, mais sinon rien ne distinguait vraiment ces deux humains à la conquête de l’inconnu. Peut etre allait il mourir dans la seconde, peut etre pas ? où seraient-ils projetés ? Impossible à dire.

 

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