Un monde d'après, un guerrier dans l'air, une légende

Publié le 27 mai 2022 à 19:19

Exercice d'imagination  5 - le jeudi 27 mai 2022

Le vent soufflait fort sans contrainte contraire pour l’arrêter.

L’horizon n’était pas simplement courbe, il était au contraire dentelé, acéré.

La luminosité se fondait avec les particules de poussière et de sable que le vent soulevait. Il en résultait un effet dans l’ensemble jaune malade, ocre agressif, et gris asthénique.

Arthur se tenait là, les pieds ancrés au sol, un sol mort déjà décomposé, redevenu poussière. Il était planté là. Depuis un moment déjà, car autour de ses pieds, la poussière commençait à s’amonceler. Semblable à la mer qui vous enfonce dans le sable par l’effet de son va et vient, le vent vous enterre si vous ne bougez plus.

Arthur était perdu dans une contemplation angoissée de l’horizon qui semblait lui aussi vouloir le tuer, le déchiqueter. Mais, il ne laissait rien transparaitre. La planète, notre berceau depuis des millénaires, nous érodait lentement mais sûrement, pour que nous, l’espèce humaine, disparaissions également, pour que les choses reviennent à leur état initial, poussière. Voilà ce que l’inconscient d’Arthur disait. Lui, consciemment, se projetait seulement dans le combat à venir. Un combat parmi tant d’autre, mais un combat nécessaire. C’était lui ou sa communauté. Un compromis demeurait impensable, la loi de la nature veut que le manque de ressources engendre la violence. Ces animaux doivent mourir.

« Tsiiiiiiiiihaaaaaaaaaaaaaaaaa ! » tonna Arthur, de toute sa puissance.

C’était le cri d’appel au combat. Ce cri enfla la confiance de cet homme sur qui l’avenir de toute sa communauté reposait.

Arthur n’avait pas bougé d’un millimètre. Tous ses muscles semblaient tendus et son immobilité surnaturelle. Il fixait droit devant, le trou de trente mètres de large qui perçait brutalement le sol.

Quelques secondes passèrent. Le silence était assourdissant empli par les échos du cri, portés par le souffle du vent rugissant.

Rien de tout cela allait bien finir, se dit Arthur. Sa lucidité était celle d’avant un combat : le calme avant la tempête.

La créature de deux mètres de haut sortit du trou d’un saut phénoménal. Elle atterrit à quelques mètres d’Arthur, provoquant une onde de choc puissante dans le sol.

Ils se faisaient face. Arthur dans sa prestance inébranlable était grandi. Ses pieds maintenant recouverts de poussière jaune ocre jusqu’aux chevilles, révélaient sa connexion à la Terre. Ses cheveux étaient soulevés par le vent et maintenus en lévitation dans les bourrasques. 

Arthur souleva ses bras. Le vent sembla lui répondre en soufflant de plus belle.

Le monstre génétiquement modifié et arrière arrière-petit-fils de survivants à une exposition à la radioactivité, possédait une musculature impressionnante que les poils, longs et maculés de substances inconnues, cherchaient à masquer. Elle était là pourtant, mortelle, Arthur ne l’oubliait pas et savait qu’il allait devoir être plus malin.

« D’habitude, nous nous mettons à trois au quatre pour les affronter, pour ne pas prendre de risque… merde, il ne faut pas que je sois tué, je suis votre dernier combattant » avait-il dit à sa femme avant de partir.

« La dernière fois, nous nous sommes fait avoir, jamais ces monstres stupides ne s’alliaient, mais cette fois-là, ils l’avaient fait, nous avions trop tarder à les tuer et plusieurs s’étaient amassés et nous n’avions rien vu venir »

La bataille date de deux semaines, elle avait opposé trois combattants à deux monstres. Deux combattants et un monstre étaient morts. Arthur et le dernier monstre avaient tous les deux battus en retraite trop amochés pour continuer. Seule la mésentente des deux créatures pendant la bataille avait sauvé la mise pour la petite communauté isolée.

Mais Arthur était de retour, et, malgré les protestations de sa communauté, et même s’il n’était pas totalement guéri, il ne pouvait pas se permettre d’attendre davantage. Il ne pouvait pas prendre le risque que le monstre soit, lui aussi, totalement remis. Personne ne pouvait l’aider, dans la communauté, il n’y avait plus personne d’autre. Les derniers nés valides avaient seulement un, deux, quatre, six et dix ans, ils étaient beaucoup trop jeunes. Tous les autres pouvait à peine se déplacer par eux même. Mais Arthur était né valide et avec le don de téléportation. C’était cette chance qui l’avait sauvé et peut-être la seule chose qui le sauverait encore une fois aujourd’hui.

La bête qui n’avait que les traits évoquant un humain se ramassa sur elle-même. Elle poussa un cri guttural et bondit vers lui, la gueule grande ouverte, dégoulinante de salive visqueuse. Arthur souleva un peu plus ses bras et violemment les abattis contre ses flancs dans un geste empli de puissance. Une douleur sourde envahi ses côtes cassées, mais il n’y prêta pas attention. Il fit un pas en avant, le sable accumulé s’écoula au bas de ses pieds, et il balança un de ses bras maintenant armé d’un couteau long de plusieurs dizaines de centimètres. Presque une épée.

À peine son mouvement en avant entamé, il disparut, et réapparut quelques mètres plus loin juste aux pieds de la créature qui venait d’atterrir et réarmait déjà ses muscles pour bondir de nouveau vers l’avant.  La créature aussi vive que l’éclair, avait anticiper sa réapparition lorsqu’elle l’avait vu disparaitre, sans bloquer son propre mouvement vers l’avant, elle décolla ses mains monstrueuses du sol et le repoussa violemment. La créature partie dans un bond tournoyant vers la droite tandis qu’Arthur, pris au dépourvu, fut balayé. Il s’envola sur la gauche, plié en deux par le choc. Il atterri durement quelques mètres plus loin, et roula au loin, sans son couteau qu’il avait lâché au moment du choc. La créature mi-homme mi-monstre atteint le sol avec agilité et arrêta brusquement son dérapage en plantant ses griffes dans le sol. Sans perdre un instant, elle s’élança de nouveau vers sa proie.

Arthur reprit ses esprits aussi vite qu’il put. D’un seul regard, il vit la créature et son couteau entre eux. Tout en se remettant sur ses pieds d’un saut, il se téléporta à son couteau. Il apparut la main dessus, son prédateur pratiquement sur lui. Il se retourna d’un geste fluide. La sueur coula sur son visage recouvert de poussière, formant une croute brune. Ses vêtements semblèrent flotter autour de lui. Sa tête donna l’illusion de se détacher de son propre corps tant elle pivota vite. Elle lui arrivait dessus, le surmontant d’un demi mètre. Il eut conscience de l’ombre qu’elle porta sur lui. Le couteau continua sa courbe implacable. Il trancha dans le ventre de la créature. Arthur s’effaça échappant à la créature qui s’affala au sol.

Arthur réapparu à une trentaine de mètre de là, et il tomba à genoux. Du sang coulait de sa bouche. Et des larmes de ses yeux. Son regard n’en était pas moins fort, mais son souffle était étouffé par le vent. Le monstre lui avait certainement fait quelque chose de grave à l’intérieur pendant le premier choc pensa-t-il. Il sentait ses forces le quitter rapidement.

La chose s’était relevée mais elle chancelait ses mains velues aux longues griffes plaqués sur sa blessure au ventre. Une de ses griffes rentrait même de quelques centimètres dans son ventre. Son regard était perdu. Son sang s’écoulait lentement mais abondamment de sa blessure et gouttait au bout des poils puis atterrissait dans la poussière, l’agglutinant.

La rage remplit les yeux vitreux de la créature. Elle poussa un cri aussi long que glaçant avant de se précipiter sur celui qui l’avait éventré. Arthur.

Arthur restait à genoux, le couteau dans la main droite, posé au sol, le visage tourné vers l’horizon, la douleur transparaissait à travers la paix qui le traversait. Il regarda au ciel tandis que la créature bondissait d’un dernier saut sur lui. Instinctivement, elle regarda au ciel, là où regardait Arthur imperturbable. Il apparut, au-dessus d’elle, tombant dans l’atmosphère. Dans sa courte chute, il raffermit sa prise sur son couteau. Il tomba sur la tête du monstre, enfonçant son couteau sans peine avec la vitesse. Ils retombèrent tous deux lourdement.

Un nuage de poussière s’éleva et fut emporté par une rafale.

Arthur c’était laissé tomber sur la bête, mi humaine, étalée au sol ensanglanté. Il serrait ses mâchoires, ses muscles tressautaient sur le bas de son visage. Il ferma les yeux et disparut. Il avait réussi, mais s’en était fini pour lui.

La pièce dans laquelle il était apparu n’était pas une salle de soins. C’était la pièce à vivre de sa maison. Sa compagne était là et elle s’empressa de venir à lui. Elle était empreinte d’inquiétude.

Il dit simplement « que le courage et la chance vous accompagne pendant les années qui viennent »

Et rendit son dernier souffle.

Un souffle dans la pièce.

 


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